J’ai commencé à travailler à une époque où il n’y avait pas internet. Dans mon esprit, le fait de le formuler, ça crée déjà un bug. De l’édition à la publicité, j’ai traversé tous les bureaux : maquettiste, directrice artistique, conceptrice-rédactrice… Et j’ai vu débarquer les e-mails, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les QR codes et autres shorts sur TikTok. Bien des fois, ça m’a piqué les yeux. Bien des fois, j’ai juré « Le numérique ? Moi, jamais ! ». J’en ris encore 😅
Quand j’ai découvert le poids des mots (j’avais fait le tour du choc des photos), je suis devenue boulimique des disciplines du contenus : copywriting, storytelling, contenu de marque, marketing de contenu… Et un jour, je suis tombée sur un petit espace vide, caché là, attendant qu’on le remplisse au beau milieu d’une interface. Comme beaucoup de mes collègues UX Writers en devenir, je me suis dit : « Mais… Il n’y a donc personne qui s’occupe de ça ? ». J’ai cliqué, j’ai rédigé… et j’ai été happée par les disciplines du design.
Aujourd’hui, je suis en mission chez France Télévisions en tant qu’UX Writer. Ça fait neuf mois déjà et je ne les ai pas vus passer. Il faut dire que l’écosystème est énorme. Et puis c’est un média, le média du service public : il y a une très grande diversité d’offres. Ça ressemble à un incroyable paquebot sur lequel on aurait ajouté des speed boats numériques pour accompagner sa traversée.
En fonction des produits, certains designers ont déjà travaillé avec des UX Writers, d’autres non. De manière générale, il y a de l’évangélisation et de la formation à faire pour accompagner la maturité des équipes sur les sujets du contenu. Tous les UX Writers le savent, parce qu’ils l’entendent chaque jour : « je n’aime pas ce mot ! » « J’aurais plutôt dit ça comme ça… », les métiers du contenu ne sont pas considérés comme les autres.
Pour l’UI design, il faut des compétences techniques, au niveau des logiciels notamment. Difficile donc de s’improviser UI. Mais les mots ? Quel que soit le support, chacun peut se dire : c’est ma langue, je sais parler, je sais écrire, donc je sais comment le faire aussi quel que soit le contexte et l’enjeu. Et il y a, de façon naturelle, beaucoup d’émotionnel autour du langage. C’est d’ailleurs ce que d’autres pays ont compris. S’il y a de l’émotionnel, alors c’est là qu’il faut mettre les moyens. En France, c’est très récent.
Mon premier challenge donc, en tant qu’UX Writer, c’est d’arriver à démontrer que l’on n’improvise pas les mots au ressenti, pas plus que les visuels. Le second, c’est de placer au bon endroit la valeur de mon travail, au sein d’une entreprise qui est elle-même productrice de contenus.
Depuis 9 mois, difficile de faire le plan d’une journée type !
Je travaille en binôme avec une autre UX Writer. Nos profils sont différents et particulièrement complémentaires. C’est une vraie chance.
On se répartit les produits et on se concerte sur les sujets transverses. Mais pas que : il y a des cas particuliers sur lesquels un deuxième cerveau n’est pas de trop. Rediscuter, benchmarker, éviter nos biais, prendre du recul… Avant de pouvoir tester, c’est une première étape pour laquelle on s’apporte beaucoup.
La diversité d’offres va du streaming des chaînes du Groupe et leurs replays à des contenus exclusifs non diffusés sur les antennes, en passant par Okoo et Lumni pour la jeunesse, tout France Info, TV Sport, Slash, Culturebox…. Alors comment rendre l’expérience compréhensible, accessible et fluide pour les utilisateurs de la plateforme web, des applications et de la TV numérique ?
On doit d’abord se rapprocher des équipes : SEO, CRM, Data, User Care et surtout on doit travailler avec les éditos et la rédaction pour France Info. Discipline de contenu, d’UX design et de psychologie, l’UX writing se met au service de toutes ces équipes pour mettre en valeur le produit et la marque.
C’est un peu comme si les éditeurs et les journalistes fabriquaient des vêtements et que moi je concevais le discours relayé par les vendeurs en boutique pour que les clients aient une expérience d’achat optimale. Je ne touche en aucun cas aux vêtements, ce n’est pas mon périmètre. Mais je dois les connaître et connaître les clients (utilisateurs) pour bien guider ces derniers. Quels sont leurs besoins et attentes ? Leurs profils ? Leurs retours ? S’ils sont déjà amateurs des vêtements (les contenus), je dois contribuer à leur fidélisation et leur satisfaction. Pour ça, je dois rendre le produit plus humain. D’où la posture du magasin qui aide à mieux se placer dans une situation de vie réelle.
Quand je suis arrivée, les équipes travaillaient en binôme : un UX Designer avec un PM. Aujourd’hui, avec certains, on forme des trinômes : UX, PM et UXW. J’essaie aussi de reformer des binômes UI/UXW un peu comme les créatifs DA/CR de la pub. Sans doute une déformation de mon parcours 🙃 mais on voit bien que ça fonctionne pour mieux traiter la hiérarchie de l’information, croiser nos points de vue et parfois, lors de coworking en live, se rendre compte que ce qu’on croyait efficace ne fonctionne pas… Une fois qu’on voit le vêtement porté !
Petit à petit, je me rapproche des équipes produit et je partage avec les designers ce jeu de balancier : comprendre les enjeux du produit sans oublier de retourner constamment vers les utilisateurs pour ne pas s’éloigner de leurs besoins.
Chez France TV, on a la chance d’avoir des rituels pour faire du partage de connaissance, de la veille et entretenir la créativité en sortant la tête de nos sujets propres. Sur un format d’une heure et demie, on intègre tous Gather Town avec nos avatars, et à travers des jeux, parcours et salles de conférence virtuelles, on explore des thématiques. Quand on n’utilise pas Gather, on se retrouve sur un board Figma préparé par notre Design Ops, avec des jeux ou des ateliers pour s’ouvrir les chakras et les cerveaux. Ça permet aussi de créer du lien avec les équipes qui travaillent sur d’autres produits.
Pour parler « outils » : au quotidien, on utilise Figma, Jira, Coda. Avec mon binôme, on a notre workflow UX writing sous Jira qui permettra à plus long terme de mieux gérer la charge de travail, les types de tâches et les priorisations. Vive le Design Ops 🙌
On commence tout juste à intégrer une partie « contenu » dans le Design System.
Pour être honnête, on n’a pas encore les process idéaux pour travailler avec autant d’équipes et de produits différents, mais comme pour le reste en UX writing : il y a tout à créer ! Ça semble parfois vertigineux mais c’est aussi ce qu’il y a de passionnant : se dire qu’on fait partie des premières générations d’UX Writers en France et qu’on a encore beaucoup à défricher et à installer. Sans pour autant se sentir seul, car il y a une belle entraide entre UX Writers français. On partage avec bienveillance nos ‘tips’, retours d’expérience et apprentissages.
UX Writer pour france.tv, c’est donc une grosse mission dans laquelle il faut beaucoup donner, mais c’est aussi ce qui fait son côté formateur.
Si je devais jeter un œil vers l’avenir, je dirais que l’UX writing doit devenir une discipline à part entière et prendre sa place naturelle dans les équipes design. Même si en France, on n’a pas (encore) une très forte culture du contenu… Comme je dis souvent : rien n’est écrit 😉
Plus d’infos sur notre formation UX Writing : https://www.lelaptop.com/formation/ux-writing/
Dernière modification de cette page : 10 février 2023, 17:01
DESIGN EMOTIONNEL, SPRINT AGILE, FIGMA AVANCÉ, UI DESIGN