Le futur of work fait couler beaucoup d’encre… Derrière les poufs orange et les tableaux noirs des labs ou autres espaces d’innovations aux murs en béton brut, les changements profonds à l’œuvre mettent à l’honneur le design management et le product management. Centrées sur l’expérience client, ces disciplines jumelles vont au-delà de l’UX pour embrasser les dimensions business, techniques, mais aussi organisationnelles. S’inspirant des startups, les grands groupes s’y mettent sérieusement.
À l’œuvre depuis plus d’une décennie, accélérée par la pandémie, la transformation digitale place le client au centre de la performance. D’où la nécessité d’organiser l’entreprise autour de lui. Rompu aux usages du numérique, habitué à Airbnb, Doctolib, Blablacar ou Netflix, chacun veut des services pratiques, rapides, efficaces, faciles et agréables à utiliser. L’abonnement prend le pas sur la possession, conférant au client un pouvoir accru, et à son expérience une importance cruciale.
L’ère de l’expérience client
Face à la concurrence de nouveaux entrants innovants et agiles, les acteurs traditionnels redoublent d’efforts pour [re]conquérir et fidéliser ces consommateurs de plus en plus volatils et pour cause : ils peuvent comparer les offres et changer de fournisseur en quelques clics. La réponse à leurs besoins impacte directement l’acquisition (conversion d’un prospect en client) et la rétention (ou fidélisation), deux facteurs clés de croissance et de performance.
Au cœur des enjeux : une expérience client globale, phygitale – à la fois physique et digitale -, omnicanale, fluide, agréable et cohérente quel que soit le point de contact. Y parvenir nécessite d’impliquer les consommateurs ou les usagers à chaque étape de la conception (ou design) des solutions, à commencer par l’amont : la data s’enrichit d’une approche qualitative avec des interviews organisées menées et restituées dans les règles de l’art indispensables pour limiter les biais et rendre les enseignements actionnables (ou aisés à exploiter). Les études convergent : la recherche utilisateur progresse fortement depuis plusieurs années malgré un très léger ralentissement lié à la Covid.
Le pouvoir du design management
Selon une étude menée par Invision auprès de 2200 entreprises à travers le monde, trois personnes sur quatre considèrent que le design influence directement la satisfaction des clients. Similaire en France, la proportion augmente à mesure que l’organisation gagne en maturité sur le sujet. Si importante soit-elle, la satisfaction des clients ne suffit pas : les solutions doivent aussi s’avérer réalisables – d’un point de vue technique, humain, organisationnel… – dans des délais restreints avec des budgets contraints. Elles doivent, enfin et surtout, générer de la valeur.
Concilier ces objectifs et contraintes : tel est le défi au cœur de la performance des organisations … et du design, dont le retour sur investissement est évalué à 85% par le célèbre institut d’études américain Forrester. Car le ROI du design se mesure via des KPI ou indicateurs de performance éprouvés. Pour les acteurs américains les plus matures (Starbucks, IBM, McKinsey…), la discipline constitue une composante stratégique critique.
Quand design et stratégie se rejoignent
Dans l’hexagone, “le design s’étend et prend de la hauteur, portant la proposition de valeur et le business model” se félicite l’experte Sylvie Daumal interviewée par l’organisation professionnelle Designers Interactifs. La Société Générale a créé un site dédié pour présenter son approche du design pour la finance BtoB. Les principaux cabinets de conseil en stratégie – PWC, EY, Devoteam, SIA Partners, Deloitte… – développent ou rachètent des agences spécialisées dans le domaine. Beaucoup recrutent. CGI Business Consulting a fait appel au Laptop pour former ses 400 managers et consultants au design thinking dans le but de mieux répondre aux problématiques stratégiques de leurs clients.
La complexité croissante des projets appelle un solide cadrage : bien cerner les enjeux et les besoins du commanditaire, identifier les parties prenantes et le contexte concurrentiel, définir le périmètre et le plan d’action… Quand l’incertitude constitue l’unique certitude, anticiper et minimiser les risques permet d’avancer en confiance : cadrer précisément le problème en amont accélère sa résolution par la suite, réduisant ainsi les délais.
Dérisquer les projets grâce aux méthodes agiles
La compression du time-to-market (ou délai de mise sur le marché) est au cœur de l’approche agile. Depuis plusieurs décennies, les projets informatiques s’avèrent souvent aussi titanesques qu’interminables. Selon le « Standish Group Chaos Report » au nom révélateur, moins de 15% d’entre eux intègrent les fonctionnalités demandées dans les délais et budgets impartis !
Face aux limites des approches séquentielles en cascade, les méthodes agiles révolutionnent la gestion de projet : finie la succession de phases – conception, spécifications, développements, QA… – étalées sur des mois, voire des années avant les premiers – et souvent douloureux – contacts avec les utilisateurs.
Dans une approche d’amélioration continue, les projets s’enchaînent en cycles courts et itératifs avec de fréquents retours des commanditaires comme des utilisateurs : réalisés très tôt, puis régulièrement sur la base de prototypes de plus en plus élaborés, les tests valident ou invalident les solutions évitant ainsi des mois de développement inutiles.
Contractant coûts et délais, les méthodes agiles renforcent considérablement les chances de succès en répondant aux exigences actuelles de rapidité et de flexibilité. Adoptées par les startups comme les grands groupes, celles-ci réorganisent les ressources : de petites équipes pluridisciplinaires travaillent ensemble au quotidien autour d’objectifs clairement identifiés dictés par les besoins des clients, les enjeux business et les impératifs techniques.
L’avènement du product management
Pour concilier ces trois dimensions, le product management coordonne et articule les apports des UX designers, marketers et développeurs. Nouvelle fonction chef d’orchestre, le “produit” ou PM s’assure que l’on adresse les “bons problèmes”, que l’on dédie les efforts aux enjeux importants, que l’on délivre rapidement les bonnes solutions. Il évalue celles-ci grâce à la data pour nourrir la boucle vertueuse de l’amélioration continue.
Fonctionnels, techniques, économiques, marketing, commerciaux, juridiques, sociaux, environnementaux, sociétaux… les aspects à prendre en compte pour designer un service sont multiples et interdépendants. Ils dépassent largement les compétences de chacun et nécessitent une appréhension holistique impliquant des équipes transversales (au-delà des 3 fonctions clés citées ci-dessus).
Co-créer, prioriser, faciliter l’innovation
Gage de pérennité dans un environnement en perpétuelle mutation, le défi de l’innovation se relève en commun : les bonnes idées naissent de la rencontre de points de vue au croisement des compétences. Bien géré, le groupe décuple les capacités des individus. Le design management propose des méthodes, des activités, des templates éprouvées pour stimuler la créativité. Paradoxalement, faire émerger des solutions qui sortent du cadre implique d’en avoir posé un pour co-créer en bonne intelligence : ici commence la facilitation !
À différents stades du processus de co-conception, le groupe doit faire des choix, notamment celui des fonctionnalités à développer en premier lieu. Des priorisations qui ne sauraient être du ressort du seul manager, même si celui-ci garde le final cut : seules la complémentarité des compétences et la diversité des prismes permettent de minimiser les biais, donc les risques. La prise de décision collective aligne les équipes autour d’une vision commune en les rendant coresponsables de l’atteinte des objectifs. De quoi redonner du sens et booster la motivation ! Durant ce processus, les méthodes visuelles de synthèse et cartographie du design management facilitent les échanges constructifs et aident à faire ressortir l’essentiel. Des atouts bienvenus pour mener à bien les activités de cadrage, idéation, prototypage, priorisation jusqu’à la mise en ligne des produits, fonctionnalités ou interfaces.
Le design management autour de l’expérience employé
Mais celles-ci ne sont que la partie immergée de l’iceberg. En amont et en aval, le client vit une expérience continue, via de multiples interactions – digitales, physiques, écrites, téléphoniques… – avec l’entreprise ou l’institution. L’effet waou produit par le nouveau site risque de s’écrouler au premier appel au support, s’il doit, après une attente interminable, expliquer son problème à une succession d’interlocuteurs impuissants et mal aimables.
Améliorer l’expérience client implique de réorganiser l’entreprise autour de celui-ci avec des processus de back-office pensés, huilés, transverses. Cela signifie aussi et surtout améliorer l’expérience employé. Comment espérer atteindre une qualité de services exigée et satisfaire le client avec des équipes peu impliquées, empêchées, démobilisées ? Des efforts pour recruter aux dispositifs d’onboarding (ou intégration), des applications métiers ergonomiques à l’ambiance de travail agréable, de la participation aux prises de décisions clés à une bonne dose d’autonomie sur le terrain…
Stimulées par les techniques de facilitation abordées ci-dessus, Les réunions passives se muent en ateliers de coconstruction, voire en Design sprint, un dispositif collaboratif innovant qui associe le design aux méthodes agiles pour trouver des solutions performantes à des problèmes complexes en 5 jours maximum.
S’inspirant des startup, de nombreux grands groupes français – pure players du digital, IT, banque assurance…) y ont recours. Ils bouleversent leurs modes de fonctionnement verticaux en silos et favorisent l’intraprenariat. Le service public n’est pas en reste avec des programmes comme les Entrepreneurs d’Intérêt Général ou les Commandos UX qui font appel aux designers pour rendre les démarches administratives accessibles et compréhensibles pour le plus grand nombre.
Conscients de leurs cloisonnements, rigidités et inertie, beaucoup d’acteurs mettent le paquet pour stimuler l’initiative, évangéliser et diffuser la culture design et produit au sein de toute l’organisation : une vraie révolution ! S’il reste beaucoup à faire, la dynamique semble bel et bien enclenchée, avec de nouvelles façons de travailler fondées sur la flexibilité, l’autonomie, les échanges, l’engagement et… l’envie !
Muriel Gani pour Le Laptop
>> Le parcours Parcours Design Management (UX/PM) du Laptop
Sources :
https://www.designersinteractifs.org/guide-des-metiers-du-design-interactif/
https://www.invisionapp.com/design-better/design-maturity-model/
https://go.forrester.com/blogs/design-thinking-can-deliver-an-roi-of-85-or-greater/
https://www.nngroup.com/articles/calculating-roi-design-projects/
https://laurineautin.fr/pourquoi-votre-projet-informatique-a-86-de-chance-dechouer/
https://www.invisionapp.com/inside-design/2020-design-trends/
Dernière modification de cette page : 24 avril 2023, 10:36
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